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Alice Guy, première femme cinéaste

Pour concevoir mon synopsis de pièce de théâtre sur Alice Guy, j’ai pu m’appuyer sur deux ouvrages passionnants : Alice Guy, la fée cinéma, autobiographie d’une pionnière, qui est l’autobiographie d’Alice Guy, et la BD Alice Guy par Catel & Bocquet. Grâce à ces références, j’ai pu cerner les principaux événements de sa vie et l’atmosphère de cette époque bouillonnante d’inventions et d’inventivité.

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L'ampleur de cette vie m’obligeait à des ellipses. Je savais que j’aurais besoin de parties narratives pour raconter ces moments sans les montrer. J’ai donc choisi d’organiser le récit sous forme de flashback.


L’histoire débute avec Alice Guy âgée et sa fille Simone. Alice vient de recevoir un ouvrage consacré à l’histoire de la maison Gaumont : malgré plus de deux cents films réalisés pour la société, elle n’y est pas mentionnée, et certains de ses films sont même attribués à d’autres. Sa fille en profite pour l’interroger sur sa carrière et la façon dont elle est devenue cinéaste…

On enchaîne sur un retour dans le passé où sont évoqués brièvement son enfance au Chili puis son retour en France après la faillite de son père, et surtout ses débuts au Comptoir de la photographie comme secrétaire sténodactylographe. Sa répartie est restée célèbre : quand Léon Gaumont qui lui fait remarquer « Vous êtes bien jeune pour un poste de secrétaire sténodactylo », elle répond avec aplomb : « Oh, ça me passera ! »

 

C’est une période d’effervescence : les progrès de la technologie sont fulgurants, la concurrence est rude, les brevets n’existent pas encore… Le Comptoir de la Photographie fait faillite, mais Gaumont trouve des actionnaires (dont Gustave Eiffel) pour racheter l’entreprise et fonder la société Gaumont. Alice croise alors les frères Lumière et leur cinématographe, dont ils gardent l’exclusivité, ainsi que Georges Demenÿ et son chronophotographe… La société Gaumont décide de commercialiser l’appareil de Demenÿ. Pour le vendre, elle a besoin de petits films de démonstration, de scènes du quotidien à la manière des frères Lumière.

Tous sont persuadés que le « cinéma », comme on commence à l’appeler, n’a pas d’avenir, et que le public se lassera vite. Alice Guy, au contraire, est convaincue qu’il n’en est qu’à ses débuts. Méliès y voit déjà un outil pour magnifier ses tours de magie ; elle, y pressent un moyen de raconter des histoires. Fascinée par les possibilités de l’appareil, elle demande à Gaumont l’autorisation de tourner de petites fictions. Celui-ci accepte cette « fantaisie de jeune fille », à condition que cela n’empiète pas sur ses heures de travail. Il manque de s’étrangler quand elle lui révèle son sujet : la naissance des enfants avant qu’elle le rassure : dans son film, ils sortent de choux !


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Nous illustrerons ce tout premier film de fiction de l'histoire du cinéma par deux scènes. La première montre le tournage vu des coulisses : de jeunes mères inquiètes d’avoir prêté leurs bébés dans une verrière glaciale, et une actrice stressée par son premier rôle. La seconde scène présente la projection du film (visible aujourd’hui sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=xJWzNG9YYW8) et les réactions des actionnaires, parmi lesquels Gustave Eiffel qui, d’après ce que j’ai lu, a toujours chaleureusement encouragé Alice Guy.

Bien sûr, il faut un méchant dans l’histoire, ce sera René Decaux, le directeur technique de chez Gaumont, qui ne se prive pas de critiquer La fée aux choux. Selon Alice elle-même dans son autobiographie, il n’a jamais été tendre avec elle. Il a même fait brûler un de ses décors afin de réchauffer les locaux en plein hiver.


Vient ensuite l’épisode tragique de l’incendie du Bazar de la Charité provoqué par un appareil de projection qui coûta la vie à de nombreuses femmes de la haute société, dont l’épouse de Frédéric Dillaye, conseiller technique de Gaumont. Cet accident faillit sonner le glas du cinématographe. Pourtant, à l’Exposition universelle de 1900, il est à l’honneur : les Lumière projettent sur un écran de 400 m², et Gaumont présente un documentaire sur le Transsibérien grâce à six chronophotographes synchronisés électriquement. C’est aussi l’occasion d’évoquer le fameux trottoir roulant de l’exposition, qui permettait d’en faire le tour à 8 km/h. On l’évoquera à travers la visite d’une famille.

 

Il est impossible d’évoquer tous les films d’Alice Guy, même si certains tournages offrent des anecdotes savoureuses, comme ceux avec un tigre ou des rats. On s’arrêtera cependant sur La Passion du Christ, le premier péplum et l'un des premiers longs métrages de l’histoire (600 m de pellicule, 25 décors, 200 à 300 figurants). Les conditions de tournage furent épiques, en pleine forêt de Fontainebleau. De quoi composer des tableaux réjouissants autour de Jasset, le chef de la figuration, connu pour son goût des toges un peu courtes et les loges improvisées en pleine nature !

 

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L’arrivée d’un nouveau venu, Herbert Blaché, embauché en 1906 comme commercial chez Gaumont pour l’étranger, sera évoquée à travers les potins des collaborateurs d’Alice : oui, il semblerait bien qu’il y ait quelque chose entre Alice et Herbert, malgré les dix ans de plus d’Alice ! Mais Herbert est nommé directeur du studio que Gaumont vient d’ouvrir aux États-Unis, sur la côte est, non loin de New York.

On assiste ensuite à une scène muette où, la mort dans l’âme, Alice embarque sur un transatlantique avec son mari.

 

Commence alors la période américaine. Les plateaux lui manquent trop : en 1908, toute jeune maman de la petite Simone, Alice annonce à Herbert qu’elle souhaite fonder son propre studio, la Solax.

On la retrouve en plein tournage en 1912, enceinte jusqu’aux dents de son fils Reginald. La Solax rencontre le succès et se développe jusqu'à avoir 5 plateaux, un laboratoire capable de tirer 1600 mètres de pellicule par jour et qui produit 3 films par semaine (le format est celui du court-métrage à l’époque). Son slogan à destination des acteurs est placardé partout : « be natural ».

Une anecdote nous sert à illustrer son caractère bien trempé à travers une scène qui promet d’être explosive : alors que ses acteurs refusent de jouer avec l’acteur noir qu’elle a engagé, elle les renvoie tous et engage une troupe afro-américaine.

 

Retour à 1954 avec une scène qui nous permet d’expliquer le temps qui passe et les difficultés que rencontre Alice. Herbert a terminé son contrat avec Gaumont et a pris la présidence de la Solax, qu’Alice lui laisse avec joie, préférant se consacrer à la partie artistique de son travail. Herbert prétend par ailleurs que le conseil d’administration était mal à l’aise avec une femme. Mais il a fait de mauvais placements en bourse et dépense des fortunes au jeu.

Lors d’une scène de dispute, Herbert annonce qu’il part sur la côte ouest où les studios ont émigré, en compagnie d’une jeune actrice.

C’est la faillite pour Alice. Avec ses enfants, elle rejoint elle aussi Hollywood, où elle tente de trouver du travail. Elle propose même ses services à Charlie Chaplin, mais celui-ci préfère travailler seul. Alors c’est le retour en France. Là aussi, les portes des studios se ferment devant elle. Elle survit en tenant une boutique d’antiquités et en vendant ses fourrures et ses bijoux.


La pièce se conclut par un raccord entre passé et présent : la remise de la Légion d’honneur à Alice Guy en 1958, cérémonie au cours de laquelle Louis Gaumont (fils de Léon) et Marcel Pagnol prononcent un discours. C’est le début d’une reconnaissance qui commence à peine à atteindre le grand public aujourd’hui.

 

Alice Guy s’éteint en 1968, à l’âge de 95 ans. Après son retour en France, elle a vécu avec sa fille Simone, employée de l’ambassade des États-Unis. À la retraite, Simone la ramène aux États-Unis, auprès de Reginald qui avait rejoint son père des années auparavant. Alice repose à Wayne, dans le New Jersey.

 

Je vous laisse avec un passionnant petit reportage suivi d’une interview d’Alice Guy âgée : https://www.facebook.com/watch/?v=2319841418158734


Quelle femme et quelle artiste!

 
 
 

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